Darwin et la Bible — La Bible nous raconte la chute du premier homme, Adam.
Vous croyez que ce n’est qu’une invention de Juifs ignorants ? Vous croyez que
l’invention du savant anglais est plus proche de la vérité et que l’homme descend
du singe ? Eh bien, permettez-moi de vous dire que les Juifs étaient plus près de la
vérité, qu’ils étaient même très près de la vérité. Vous me demanderez peut-être
pourquoi je prends avec une telle assurance le parti des Juifs ?
Aurais-je assisté à la création du monde ? Aurais-je vu Eve manger la pomme et la
tendre à Adam ? Je n’y étais pas certainement, et je n’ai rien vu. Et je ne dispose
même pas de ces preuves morales qu’invoque Kant pour la défense de ses postulats.
En général, je n’ai pas de preuves du tout, mais je pense qu’en des cas semblables,
les preuves sont un lest inutile et même fort gênant. Essayez d’admettre, si vous
en êtes capables, qu’en certains cas on peut, on doit se passer de preuves et regar-
der un peu l’homme, écoutez l’homme. Ne distingue-t-on pas encore maintenant
ces feuilles de vigne sous lesquelles il cacha sa nudité lorsque soudain il ressentit
l’horreur de sa chute ? Et cette angoisse perpétuelle, cette soif inextinguible ! Il est
ridicule de dire que les hommes n’ont jamais pu trouver sur terre ce dont ils avaient
besoin. Ils cherchent douloureusement, et ne trouvent rien, même ceux qui sont
considérés comme des maîtres, des guides. Quel art ils doivent déployer pour se
donner l’aspect de ceux qui ont trouvé ! Et pour finir, ils ne parviennent tout au
plus, malgré tout leur génie, qu’à tromper et à aveugler les autres. Car personne ne
peut être une lumière pour soi-même. Ce n’est pas en vain qu’il a été dit du soleil,
qu’il éclaire et réjouit autrui, mais que pour lui-même il est obscur. Si l’homme
descendait du singe, il trouverait à la façon du singe ce dont il a besoin. On me dira
que de tels gens existent et qu’ils sont même fort nombreux. Certainement, mais il
suit de là seulement que Darwin et les Juifs avaient également raison. Une partie des
humains descend d’Adam, sent dans son sang la brûlure du péché de son ancêtre,
en souffre et aspire au Paradis perdu, tandis que les autres proviennent du singe
pur de tout péché ; leur conscience est tranquille, rien ne les torture et ils ne rêvent
pas à l’impossible. La science consentira-t-elle à ce compromis avec la Bible ?